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21 novembre 2017

Le doudou numérique…

Le doudou numérique…

… ou quand l’humain reprend le pouvoir face à la révolution digitale.

 

1ère partie

Il m’est arrivé la semaine dernière une petite mésaventure que tout le monde a dû déjà vivre. Partir la fleur au fusil, quitter son appartement pour se rendre au travail et… Joyeusement oublier son smartphone encore relié à son chargeur.

Ce n’est pas tant l’anecdote, relativement banale, qui a motivé la rédaction de ce billet que ce que j’ai pu ressentir pendant cette même journée. Un véritable manque, comme si une partie de moi était restée en arrière, amputée. Tous mes réflexes furent questionnés, celui de tendre la main gauche « X » fois par jour pour prendre l’objet, consulter mes mails personnels, regarder quelques images sur Instagram, vibrer de plaisir en entendant ce son qui me disait que je venais de recevoir un texto… Et là rien… Pourtant j’étais loin d’être coupée du monde, j’étais devant mon ordinateur avec une page Yahoo ouverte (pour mes mails personnels), et tous les réseaux sociaux accessibles en plus de mes mails professionnels…. Pas de drame donc… Mais l’objet, le bel objet n’était pas là.

Et il me manquait.

Je savais que je faisais partie de ces hordes de « dépendants » aux smartphones (regarder mes mails en me levant est une de mes ridicules habitudes) mais le savoir et le vivre était quelque chose d’autrement plus troublant.

Cet objet, plus qu’un simple smartphone était en train de devenir une sorte de doudou numérique, un objet transitionnel sans lequel je me sentais orpheline.

S’agissait-il d’une dépendance ? Sommes-nous tous véritablement dépendants de ces petites choses connectées ? Si la réponse est oui les conséquences peuvent être dérangeantes et je comprends mieux les alertes des scientifiques et autres gourous sur les IA qui n’existent pas encore mais nous menacent déjà. Si nous ne sommes pas capables de nous contrôler face à un téléphone aussi intelligent soit-il comment pourrons-nous résister à des Intelligences Artificielles dotées de puissances de calcul inimaginables ?

 

I - Alors tous dépendants ?

La question est donc posée.

Si la réponse, intuitivement, nous mène assez vite vers le « oui » on se rend compte que la réalité nous place, non pas tant face à une réponse, que face à une question.

On pourrait penser, ne serait-ce qu’en observant nos contemporains que la dépendance est indéniable. Dans la rue, aux terrasses de café, rares sont ceux qui ne sont pas pendus à leurs smartphones. Ces derniers ont profondément changé les comportements, à un point tel qu’ils font partis de la vie quotidienne à part entière. Le numéro de téléphone n’est plus attaché à un habitat ou un endroit mais à une personne…

Ces changements sont même allés jusqu'à l’excès et après des années de mauvais comportements avec sonneries de portables intempestives et consultations de mails pendant les réunions, il devient désormais de plus en plus de bon ton de cesser de titiller la dite machine en société. La frontière entre l’appropriation et l’addiction est devenue ténue et les systèmes de brouillage se multiplient alors qu’un endroit non équipé de wifi devient peu acceptable.

De simples outils, les téléphones mobiles sont devenus de véritables totems comme le montrent les rééditions de produits iconiques comme le Nokia 33 10 ou même des tamagotchis.

Mais tout cela fait-il que nous sommes réellement dépendants ? Subissons-nous à ce point la technologie qu’après avoir été créée par nous elle nous domine désormais ? Les craintes de Stéphen Hawking ou Elon Musk qui ne cessent d’alerter sur les IA et leur prévisible ascendant sur nous sont-elles fondées ?

La réponse n’est pas si simple… Miroir de la transformation numérique le smartphone est source de nombreux paradoxes. Cités en écho à la « génération Y », puis des « millenials », ils ont souvent été présentés comme les grand responsables de l’individualisme forcené de la jeunesse voire de son égotisme. Si voir de multiples personnes connectées à leurs appareils sans aucune conscience du monde qui les entoure est troublant (le clip Major Lazer - Run Up l’illustre particulièrement bien) n’oublions pas pourquoi tous sont focalisés sur la machine…

Tout simplement pour être connectés, reliés… A des amis, à une star, à une communauté, ce qui va à rebours de l’égoïsme ou du comportement autocentré que l’on dénonce. Ne pas être auto centré est d’ailleurs l’essence même de la communication sur les media sociaux. Celui qui souhaite s’y exprimer doit avant tout partager, et s’il ne parle que de lui, il risque fort de n’être que peu suivi.

De même, on observe un glissement d’un usage privé vers un usage plus « public » aussi bien des smartphones que plus largement du numérique.

Le smartphone devient un outil « social » dans le sens où il est interpellé, assimilé par la société. On assiste ici à une convergence entre l’usage intime et l’usage social voire professionnel. La RATP a récemment annoncé la dématérialisation de ses Pass Navigo qui seront embarqués dans les portables. Il en est de même avec les banques et le paiement via mobile qui est déjà massivement utilisé dans d’autres pays comme la Chine. Cette systématisation massive du recours au smartphone n’est pas sans poser problème considérant le ticket d’entrée de ce type de matériel.

Il en est de même pour les entreprises qui n’ont pu que se féliciter de l’émergence de ce type de matériel qui rend non seulement leurs collaborateurs nomades mais également encore plus facilement « sollicitables » qu’auparavant.

La conjonction entre la pression sociétale et cet isolement créé par la relation avec la machine afin d’être en réalité en relation avec d’autres personnes montre à quel point les réponses ici peuvent être paradoxales. On se rend alors compte qu’il devient difficile de répondre alors clairement à la question « sommes-nous dépendants des nouvelles technologies » ?

 

A suivre…

 

2nd partie

II - Quand l’usage rebat les cartes du développement des nouvelles technologies…

Qu’est-ce qui change la donne ? Tout simplement l’intervention humaine. L’usage et par-delà l’appropriation sont des notions clés dans l’acquisition d’innovations par la société. Certes la donne économique est fondamentale (un nouveau produit trop cher ou peu rentable est rarement viable) mais l’usage l’est tout autant. Une innovation abordable mais jugée peu utile aura tout autant de succès qu’un produit au prix mal calibré. A contrario un produit jugé séduisant voire incontournable pourra justifier un prix élevé et une disproportion entre ce prix et la prestation fournie (c’est l’effet Apple).

Les exemples de l’impact de cet usage sont infinis. Ainsi, à prestations techniques égales, le smartphone d’Apple a dépassé le Blackberry essentiellement pour des questions de simplicité d’utilisation et d’ergonomie. Le côté réjouissant de l’appareil avec son écran tactile ayant fort probablement parlé à notre cerveau reptilien. Tellement d’ailleurs que celui-ci est d’ailleurs devenu la norme et que tous ceux qui s’essayent à des alternatives échouent lamentablement.

Il en a été de même avec les tablettes qui ont vite été adoptées alors que nombre d’entre elles sont largement redondantes avec les smartphones et les ordinateurs portables sans toutefois véritablement les remplacer. On est là dans le cadre de ce que qualifiait Jérôme Bonaldi de « totalement inutile donc rigoureusement indispensable ».

Dans le cas des tablettes, ce sont les utilisateurs qui y ont trouvé des usages là ou l’utilité réelle n’était pas démontrée. Il en est de même des emails dont les créateurs doivent être stupéfiés de voir à quel point ceux-ci sont entrés dans les mœurs et ont su remplacer le courrier papier.

A contrario, l’usage peut aussi freiner l’adoption ou tuer un produit. C’est le cas pour les liseuses numériques. Présentées par leurs créateurs comme un tsunami digital, la numérisation des livres est loin de faire l’unanimité pour les utilisateurs. Là encore c’est le facteur humain, émotionnel même, qui change la donne. Intellectuellement le plus d’une liseuse est indéniable. L’outil, compact et simple à utiliser contient des milliers d’ouvrages. Et on peut également se dire qu’ici avec des œuvres littéraires, c’est le contenu qui prévaut non le contenant… Erreur massive puisque les liseuses même si elles ont loin d’être un échec n’ont toujours pas remplacé les livres et que les bibliophiles continuent à acheter amoureusement des livres en papier pour des raisons qui sont toutes sauf rationnelles.

Il existe enfin des exemples de détournements qui montrent à nouveau l’impact de l’humain sur l’innovation… Ainsi la montre connectée d’Apple n’a pas non plus été le raz de marée prévu.

En parallèle on a pu constater un engouement des sportifs pour ces mêmes montres connectées… L’usage à nouveau… Si au quotidien une montre connectée se retrouve plus que jamais redondante avec un smartphone (dont elle dépend souvent) et un ordinateur, les données corporelles qu’elle peut collecter sont hautement intéressantes pour les sportifs.

On se retrouve donc avec un décalage entre l’utilité supposée des montres intelligentes telles qu’elles avaient été conçues à l’origine et leur véritable usage.

Qu’est-ce qui explique cela ?

Pas tant de mauvaises études d’impact ou des campagnes marketing imprécises voire inefficaces qu’un besoin inconscient de la part des utilisateurs de s’exprimer par rapport à la force de l’innovation technologique dans leur vie quotidienne.

Depuis les philosophes des Lumières en France, la Révolution Industrielle au XIXème siècle, on n’a eu de cesse de présenter l’innovation comme un bienfait (passons sur les dommages collatéraux) et une avancée incontournable. Jamais jusqu'à ce jour le citoyen n’a véritablement été sollicité sur cette avancée folle de la technologie par les pays occidentaux.

Nouvelle religion, l’innovation s’est imposée comme le Graal et la solution ultime.

Si des messages ont été adressés avec l’émergence de mouvements comme la décroissance ou du principe de précaution, ils ont jusqu'à présent été peu entendus par le monde scientifique (en dehors du principe de précaution) qui peine toujours à comprendre l’importance de s’adresser au grand public.

Or ne pas prendre en considération ces indices est regrettable. Ne pas y remédier est problématique car le risque serait de voir se dessiner une société fracturée entre la science d’un côté et l’humain de l’autre…

 

III – … Et remet l’humain au centre de la problématique

On voit bien qu’en plus des processus, des entreprises, des métiers, la transition digitale questionne également la place de l’humain dans la société et surtout face à cette innovation technologique qui nous confronte à cette transition.

Et si l’adaptation se faisait d’elle-même ?

La transformation numérique est quelque chose qui se situe à part dans le grand mouvement de l’innovation scientifique.

En effet, quand on observe les effets de la transformation numérique on retrouve souvent deux choses :

-        Un retour aux fondamentaux du métier ou du service modifié par la transformation numérique

-        Un changement, une évolution, ayant pour conséquence de remettre l’humain au cœur des problématiques, des processus.

Prenons un exemple qui m’est cher : celui des média et des métiers de la communication. On se rend ainsi compte par exemple que le meilleur remède aux fake news n’est pas tant des algorithmes que le recours à des journalistes professionnels pour qui la vérification de l’information est une partie intégrante de leur travail.

De même, la concurrence des réseaux sociaux face aux media traditionnels ne devrait pas tant être vue comme une menace qu’une opportunité pour le monde journalistique. Celle de se recentrer sur un besoin actuel : l’investigation. Autant l’information en temps réel peut être automatisée (via cette fois-ci des algorithmes) autant le moment n’est pas encore venu où un ordinateur sera à même de mener l’enquête…

Enfin la « révolution » numérique injecte nativement des outils qui renforcent la collaboration ce qui permet d’envisager dès maintenant le passage d’un monde longtemps spécialisé et organisé en silos à une vision plus holistique.

 

Alors ? Nos smartphones sont-ils devenus le nouveau doudou numérique ? Est-ce véritablement un problème ? Plus encore, est-ce que nos comportements face aux smartphones et aux nouvelles technologies sont les indicateurs de notre dépendance et donc marquent les prémices de l’hégémonie annoncée des Intelligences Artificielles à notre égard ? On voit bien que non et que cette question de la dépendance aux innovations ne pose pas véritablement question puisque sans même s’en rendre compte les utilisateurs soumettent et modèlent ces nouveautés à leurs besoins et à leurs usages. Et c’est le message sous-entendu par ces actions qui devient le plus intéressant : l’impérieuse nécessité de questionner et d’impliquer le citoyen sur ces même évolutions technologiques.

C’est là que tout se joue et c’est à ce prix que la société évoluera de manière harmonieuse. La peur du changement s’atténuera et on percevra alors l’intérêt d’une civilisation digitale… Ou pas !

 

 

 

 

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