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15 juillet 2015

Le LHC et la rumeur…

Alors que la sonde new horizon vient de nous faire parvenir de merveilleuses images de Pluton, j’ai eu envie de revenir sur une anecdote qui m’était venu aux oreilles au moment du démarrage du LHC et qui montre aussi bien la dangerosité de la rumeur que l’importance de bien mesurer la teneur des messages que l’on envoie à l’extérieur, surtout lorsque son domaine est celui de la recherche scientifique.

 

L’histoire commence en 2008…

Après des années de construction, le plus grand accélérateur de particules au monde, le LHC (large hadrons Collider) est enfin terminé. Attendu comme le Graal par nombre de physiciens, cet instrument de 27 kilomètres de circonférence avait pour objectif de partir à la découverte du boson de Higgs ou encore de la matière noire.

L’achèvement des travaux fut à l’époque annoncé en grande pompe avec calendrier des travaux à venir et objectifs fixés à l’avenant.

Mais ce n’est pas tant cette information qui à l’époque déchaina les passions qu’une autre beaucoup plus exotique mais pas moins dévastatrice d’un point de vu communication.

 

Le mythe d’un éventuel trou noir venant absorber la terre n’est pas nouveau. Il est un grand classique dans la littérature de science-fiction et il revient plus ou moins régulièrement lorsque l’on parle d’accélérateur de particules dans le grand public.

Le CERN n’a pas été épargné. En mars 2008 deux hurluberlus au background prétendument scientifique ont trouvé le moyen de porter plainte devant le tribunal de Hawaï afin de demander le non démarrage du LHC sous prétexte de la création potentielle de trous noirs par celui-ci.

Cette information pour le moins burlesque et qui n’en était presque pas une s’est répandue comme une trainée de poudre et l’info qui devait faire la une : à la future mise en route de cette merveille technologique fut remplacé par cette rumeur fantastique : allions nous tous mourir digères par un trou noir au démarrage du LHC ?

L’anecdote enflât tellement que le CERN fut forcé de réagir, il créa une commission d’experts missionnés pour créer un contre argumentaire. Ils publièrent un article scientifique afin de prouver par a+b que non, nous n’allions pas finir dans l’estomac d’un corps céleste au moment où les apprentis sorciers apuraient sur le bouton.

A cette époque je m’occupais de la communication media et scientifique d’une grande école d’ingénieur. La polémique ne m’avait pas échappée et ne quitta pas mes pensées. Fan de science-fiction, ce délire (je l’ai toujours pris comme tel) me faisait penser au livre Hypérion de Dan Simmons où la Terre avait disparue, absorbée par un trou noir… J’en avais parlé à un journaliste scientifique et lui avait fait part de mon étonnement. J’étais alors avide d’avoir son avis de professionnel. La réponse me laissa pantoise et je le suis encore des années plus, tard, pour preuve ce billet…

Il rebondit sur ma question en me faisant valoir d’un air goguenard que c’était le CERN lui-même qui était à l’origine de la rumeur. Tout ceci selon lui n’était qu’un vaste coup de pub dont l’objectif n’avait été qu’accroitre la notoriété du LHC…

Même encore maintenant je peine à croire, plus encore je m’y refuse.

Mais vrais ou fausse ce n’est pas cette allégation qui m’intéresse ici et qui fait que je reviens sur des choses qui se sont passés il y a déjà plusieurs années.

Si la pertinence de la construction du LHC ne prête plus à caution, deux problématiques médiatiques m’interpellent.

Tout d’abord je ne peux que déplorer que les media, mondialement, aient massivement repris ce hoax au lieu de le remettre immédiatement en perspective. En effet, nombre d’articles parus alors ne furent que des reprises soit du hoax, soit de la procédure de ces Zig et Puce de la science que sont Walter Wagner et Luis Sancho. Il a fallu attendre la prise de parole de scientifiques éminents puis du CERN lui-même pour que ce bruit s’atténue, et encore.

Plus encore, cette mésaventure montre à quel point la notoriété ne peut plus être innocente désormais. Internet, les réseaux sociaux sont d’autant de relais d’informations vrais ou faux qui font le tour de la terre en une nanoseconde.

On ne peut plus jouer avec la notoriété et on doit s’efforcer au maximum de construire et d’alimenter une notoriété positive, surtout lorsque l’on est un centre de recherche de haute volée.

En effet, la leçon de l’histoire c’est que si la notoriété du CERN a accru de manière exponentielle grâce ou à cause de ce hoax, la défiance s’est installée elle aussi.

Et cela n’est pas acceptable.

La communication scientifique doit être aussi bien d’une rigueur que d’une pédagogie absolue. La science non ou mal expliquée, peut faire peurt et cela est légitime, mais à terme c’est nous que cela dessert et c’est comme cela qu’est né le principe de précaution que déplorent tant de scientifiques et d’entrepreneurs désormais.

Alors que cette péripétie serve de leçon et que plus jamais la science soit instrumentalisée de la sorte, la recherche c’est l’inventivité, la créativité humaine, il serait dommage qu’avec de mauvais instruments elle se tire une balle dans le pied, non ?

 

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